Le
vin s’installe progressivement dans le quotidien des Chinois. Les
supermarchés agrandissent leurs linéaires. De nouveaux concepts de
bars à vin, de caves, d’évènements pour particuliers et
entreprises voient le jour dans les grandes et moyennes métropoles. Par
exemple, un vieux supermarché de Pékin, a dédié son premier étage
au thème du vin incluant des rayons destinés à la vente et un
espace de dégustation.
La
population Chinoise s’intéresse de plus en plus au vin. D’ailleurs
la consommation augmente de +25%/an. Pourtant,
c’est la première fois en 7 ans que la croissance des importations
a ralenti au début de l’année 2012. "Cela
montre que les importations chinoises de vin commencent à redevenir
rationnelles",
Jean-Pierre Mercier1.
Quelle
a été l’évolution de ce marché?
- Avant
2002, La consommation de vin concerne à 99% les produits locaux.
D’ailleurs, seules quelques grandes marques étrangères étaient
présentes (Castel, Rémi Cointreau, Pernod Ricard).
- De 2002 jusqu’en 2007, les grandes marques étrangères (Torres,
Summergate, ASC, ISW...) sentent le filon et développent leur réseau
de distribution dans les grandes villes de l’Est de la Chine
(Shanghai, Pékin, Shenzhen). Des entreprises chinoises se
spécialisent dans la vente de vins français et plus
particulièrement de Bordeaux (Vins Sélection Shanghai). Toute la
communication est fondée sur l’image du luxe et du bien-vivre à
la Française accentuée par la valorisation des Grands Crus de
Bordeaux. Par conséquent, les prix commencent à grimper.
- Ensuite, c’est l’époque de l’euphorie commerciale qui commence
en 2008, au moment de la réduction des droits de douane voire de
leur suppression à Hong Kong jusqu’à ce début d’année 2012.
Le niveau de vie en Chine augmente rapidement. Les milliardaires sont
fascinés par les grandes marques françaises et pour les vins de
luxe. Donc, la demande croit. Les prix atteignent des sommets encore
jamais vus. «Les
Chinois ne boivent pas de vin, ils boivent des marques».
- Aujourd’hui, nous entrons dans une période de structuration du
marché incluant une spéculation raisonnée et des investissements
diversifiés.
Liv-ex
Bordeaux 500 & Liv-ex Fine Wine 100 - Décembre 2003 à Mars 2012
Quelles
en sont les raisons?
Une
meilleure qualité des vins chinois
L’offre
des vins chinois se diversifie: bas de gamme, gamme intermédiaire,
vin de luxe. Avant, les entreprises spécialisées produisaient en
quantité. Aujourd’hui, elles visent la qualité. C’est la raison
pour laquelle elles investissent dans du bon matériel de production.
Lors de la 5ème édition du salon international du vin à Yantai, nommée « Cité internationale du vin d’Asie » du 27 au 29 juin dernier, les stands tenus par les sociétés spécialisées (les pépinières viticoles, les fûts de chêne et matériaux pour la production) ont eut un énorme succès. Tao Xianzhi, représentant du Groupe "Devexpor", producteur français d'équipements viticoles, a participé à toutes les éditions du salon de Yantai. "Au début, je n'arrivais pas à signer de contrats au cours du salon, car les prix de nos équipements étaient trop élevés. La machine de tri des raisins coûte notamment plus d'un million de yuans". "Cependant, grâce au développement de la production et du marché viticole en Chine, certains châteaux dans les provinces du Shandong, du Ningxia et du Xinjiang disposent aujourd'hui de fonds suffisants pour acquérir notre matériel"...
Maintenant, l’Empire du Milieu est capable d’élaborer des vins de qualité et concurrence les plus grands vignobles du monde. On le constate lors de concours divers et variés. Par exemple, le domaine Helan Qin Xue avec son cru local Jia bei lan Cabernet Sauvignon 2009 a remporté au Decanter World Wine Awards l’un des meilleurs prix de la compétition dans la catégorie « Bordeaux rouges internationaux de plus de £10″. Il a été élu parmi 12.000 autres compétiteurs.
Diversification de l’offre
Le
choix du vin s’élargit dans les rayons. La concurrence
s’intensifie, provenant des différents pays du monde: Australie,
Chili, Afrique du Sud, Etats-Unis, Italie, Espagne. Chaque
pays valorise ses grands crus tant recherchés par la classe moyenne
et la haute société Chinoise. Les vins français sont donc en
compétition avec des produits provenant des 4 coins du monde de
grande qualité à des prix plus abordables. Par conséquent, la
concurrence amène une stabilisation des tarifs. L’offre
se diversifie aussi en terme de couleurs. Les vins blancs et rosés
trouvent petit à petit des consommateurs enthousiastes, surtout
l’été lorsque les températures atteignent facilement les 35°
Celsius. Les importations de vins blancs ont progressé de +39% ce
premier semestre 2012. Ce marché en Chine devrait augmenter de 69%
entre 2012 et 2015, comparé à 53% pour les rouges 2.
Des
prix hors normes
Les
Chinois, voyant les prix des vins français augmenter de manière
irraisonnable et se méfiant de la contrefaçon, sont allés chercher
des conseils auprès des financiers de Hong Kong et des experts en
vins installés à Shanghai et Pékin. Plus
avisés, ils diversifient leurs achats et leurs investissements car
ils ne veulent plus acheter du vin à des tarifs hors norme. C’est
l’une des raisons pour laquelle le cours du vin a ralenti ce
premier semestre 2012 et les prix ont baissé (sans évoquer la
mauvaise publicité du millésime 2011...) Par
exemple, au début du mois de mai 2012, Le Lafite 2008 a perdu 53,4%
de sa valeur, passant de 15 500¥ à 7230¥. D’autres grands crus
ont connu le même sort, Le Château Margaux 2004 est passé de 4900¥
à 2840¥. Mais,
les prévisions pour le 2eme semestre 2012 sont très positives. Les
experts prévoient une progression plus raisonnée, plus stable.
Liv-ex
fine wine 50
L’avenir
Des
importations Chinoises
Bright
Food, compagnie agroalimentaire chinoise a mis la main sur le
négociant de grands vins de Bordeaux, DIVA Bordeaux, en obtenant 70%
de son capital. Diva
Bordeaux souhaite se développer en Chine et Bright Food possède un
énorme réseau de distribution. Aussi,
leur accord permet à Bright Food de valoriser son image. Il garantie
à sa clientèle l’origine de ses produits à juste prix. Bright
Food et DIVA Bordeaux s’assurent un avenir glorieux... Ils
concurrencent directement les compagnies importatrices. Qu’en
sera-t-il des prix en aval?
Les
Grands Crus de l’Empire du Milieu
L’Empire
du Milieu comptabilise de plus en plus de propriétés viticoles à
l’image des grands crus. En terme de qualité, le vin français
possède une très bonne réputation. Mais,
il ne faut pas oublier que le marché est détenu à 90% par les vins
locaux.
Certains
l’ont compris. Ils sont donc allés chercher le savoir faire
français. Emma
Gao, propriétaire et oenologue de Silver Heights, dans la région du
Ningxia est venue à Bordeaux pour poursuivre ses études en
oenologie et apprendre les méthodes françaises. Elle aspire à
produire des grands crus (Robert Parker 86/100).
C.K.
Chan de Grace Vineyard, dans les provinces du Shanxi, Ningxia et
Shaanxi, a été aidé par un ami français pour développer le
vignoble et élaborer des produits de grande qualité. Aujourd’hui,
ils sont considérés comme faisant partie des grands vins de Chine.
(Robert Parker : 86/100).
A
l’inverse, les grands noms français investissent dans des terroirs
prometteurs. Ainsi, ils assurent leur présence sur le marché
chinois. Le potentiel des ventes laisse rêveur tout entrepreneur.
- Château
Lafite Rothschild, en collaboration avec Citic a planté des vignes
dans la province de Shan Dong, dans le Penglai. Le 1er millésime
sortira en 2014.
- LVMH,
avec VATS va produire un vin pétillant de luxe destiné au marché
chinois.
- Mais,
attention, le rêve peut s’arrêter brutalement pour les
Occidentaux. Bernard
Magrez a ainsi dû quitter, malgré lui, le domaine qu'il avait
acquis, il y a vingt ans, à Tsin Tsao.
Après
10 ans d’euphorie et d’apprentissage sur le vin, la Chine se
stabilise et assure un marché national et mondial plus raisonnable.
Elle apprécie toujours autant les grands vins de Bordeaux. Mais,
elle s’ouvre à d’autres goûts. Surtout, elle produit et se
positionne parmi les grandes puissances et est en mesure de
concurrencer les meilleurs pays producteurs et ce, à juste prix.
Hélène
Puteaux
1
Jean Pierre Mercier, Groupe Mercier, spécialisé dans la pépinière
viticole
2
IWSR: International Wine and Spirit Research
Quelques mots sur l'auteur de l'article :
Diplômée de l'IPC Vins et Spiritueux à Bordeaux - promotion 2011, Hélène est actuellement responsable marketing, communication et sales chez Vins Sélection à Shanghaï.
"Depuis de nombreuses années je cultive ma passion pour le produit en multipliant les expériences vitivinicoles, comme guide au Château Lynch Bages dans le médoc, guide à Vinexpo Bordeaux, animatrice de soirées dégustation, vendangeuse à l'occasion pour le Domaine de Primat ou le Château La Croix de Gay. J'ai plaisir à voyager et découvrir toujours un peu plus ce monde fascinant qu'est celui du vin. Mon rêve ? Déguster un Château Cheval Blanc 1947..."
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