Comment
mieux séduire le consommateur chinois?
Des marques fortes et une communication régulière.
Les
Chinois
affectionnent les marques. Il est intéressant de vivre dans ce pays
pour se rendre compte à quel point la publicité est présente. Elle est partout : écrans géants sur les buildings,
panneaux immenses le long des routes et des autoroutes, téléviseurs
dans les ascenseurs, dans les bus et dans les métros... L'attention portée à l'action publicitaire est très forte en Chine ; l'idée selon laquelle plus le nom et l'image sont associés et diffusés, plus il se vend est extrêmement présente. D'ailleurs, les entreprises l'ont bien compris, elles qui ont investi massivement les lieux et les espaces chinois. Les campagnes des grandes marques de de vins originaires d’Australie, des Etats-Unis
ou du Chili se multiplient. Les négociants français, eux aussi,
développent ce créneau en valorisant leur terroir et le
savoir-vivre à la française.
Pourtant,
les chinois peinent à se repérer dans la multitude d’appellations
et de châteaux. Heureusement, ils sont aidés grâce à la présence
d’associations, de comités et de groupements de producteurs qui
organisent des dégustations pour valoriser les vins de toutes les
régions françaises. Les invités sont les distributeurs engagés et
les journalistes... Leur but est de rendre plus accessible la
gastronomie et les marques emblématiques des vins de France.
C’est
le cas de l’Union des Grands Crus, qui est présente chaque année
sur le territoire asiatique. Un exemple ? Début 2012, France
Agri Mer vient a démarré une nouvelle campagne promotionnelle «
Vivez la France avec les vins de France !»
La
population chinoise est curieuse et a soif d’apprendre ; elle
est à la recherche d’informations et surtout, elle
apprécie de pouvoir lire dans sa langue maternelle. C’est la
raison pour laquelle afin de faciliter l’éducation des amateurs
chinois, il est vivement conseillé aux acteurs du marché du vin
d’ajouter les traductions en mandarin sur leurs sites internet.
Continuer à communiquer et se démarquer avec des marques françaises
fortes seront certainement des atouts incontournables pour rester
leader sur le marché.
L’étiquette
Le
packaging est un
élément déterminant pour séduire le consommateur chinois. Une
étiquette classique, traditionnelle reste très attractive. Je vais
prendre en exemple un vin que j’aime particulièrement et surtout
avec lequel, j’ai mené mes expériences auprès de nombreux
distributeurs chinois : le Château Labesse. L’étiquette a
été récemment relookée, ayant un aspect désormais plus moderne
et moins chargé. Malgré ces modifications, les distributeurs
chinois préfèrent l’ancienne étiquette et ce pour plusieurs
raisons.
Tout
d’abord, à leurs yeux, cette dernière avait une forme
traditionnelle et son format était plus grand. D’autre
part, le nom du domaine, l’appellation, le millésime et
l’indication «Mise en Bouteille au Château» se révélaient être
un élément très important pour les acheteurs. Enfin, la couleur
rouge Bordeaux valorisait parfaitement le produit. En
revanche, si la nouvelle étiquette est plus moderne et d’une
dimension plus petite, elle a le désavantage de contenir beaucoup
moins d’informations et l’écriture bleue a un aspect brillant.
Je vous laisse y réfléchir !
Ancienne Etiquette |
Nouvelle Etiquette |
La
couleur
D’après
l’étude réalisée par Vinexpo, 91% des vins consommés en Chine
sont des rouges et 99,5% des vins sont sans bulles. La communication
met en avant les bienfaits du vin rouge en termes de santé. « Et
le vin blanc ? » me direz-vous. Grâce à
l’occidentalisation du quotidien des Chinois, la consommation des
vins blancs progresse. Et c’est tout à fait logique car le goût
de la gastronomie chinoise s’accorde parfaitement avec ce type de
produit. Est-ce la connotation du deuil pour le blanc et l’image de
la pornographie pour le jaune qui freinent leur implantation ? Ou
bien est-ce plutôt à cause de l’inexistence d’articles
concernant les atouts du vin blanc sur la santé que ce type de
consommation est boudée par la population chinoise ?
On
parle souvent du resvératrol pour le vin rouge... Et de
l’hydroxytyrosol pour le vin blanc. Et en réalité, ce dernier est
jugé comme étant une molécule tout aussi efficace pour améliorer
la fonction cardiaque et prévenir l’obstruction des artères que
le constituant du vin rouge. Alors la question que je me pose est la
suivante : « Pourquoi personne ne parle des vertus
bienfaisantes de la molécule contenue dans les vins blancs?
Le
goût
La
cuisine chinoise est très variée. Le goût du consommateur l’est
donc aussi. Comme
le consommateur est plutôt jeune, qu’il aime les sucreries, son
palais est assez attiré par les notes fruitées. Les vins aux arômes
puissants et épicé sont aussi très prisés (comme, par exemple, la
Syrah, le Grenache, le Cabernet Sauvignon ou le Merlot). L’amateur
chinois préfère en principe les tannins fondus à ceux qui sont
plus marqués. Pour lui, l’acidité doit rester discrète. Il est
donc logique que les millésimes antérieurs séduisent de plus en
plus. A Hong Kong, lors des ventes aux enchères, on a constaté un
changement de comportement depuis 2011 : les vins jeunes
trouvent moins preneurs que les millésimes qui sont considérés
comme « bons à boire ».
Désormais,
le consommateur de l’empire du milieu se demande pourquoi
acheter en primeur un vin qui ne peut être bu alors que les
millésimes anciens - qui sont quasiment aux mêmes prix - sont prêts
à boire ? Est-ce que dans un proche avenir, la tendance de
consommation des vins va évoluer vers une plus grande patience ?
Les amateurs chinois vont-ils nous réapprendre la sagesse d’ouvrir
une bonne bouteille lorsqu’elle arrive à maturité ? Et le
Château Latour n’a-t-il pas pris la bonne décision en ne mettant
à la vente que ses millésimes prêts à boire sur le marché ?
C’est une réflexion sur l’avenir qu’il est sans doute
intéressant de mener.
Le
prix
L’étude
et la fixation du
« juste prix » est un atout majeur en Chine. En
effet, il est bon de rappeler que les vins locaux avec un prix très
bas qui tourne autour de 2€ gardent le monopole. D’autant plus
que dans leur communication les spécialistes marketing mettent en
avant la qualité des terroirs et soulignent que leurs vins sont
produits sous la responsabilité d’oenologues français ou bien
d’oenologues chinois « ayant fait leurs études en France ».
Il
est intéressant de signaler également que des produits concurrents,
comme les vins chiliens défient actuellement toute concurrence en
arrivant sur le marché chinois quasiment au même prix que les vins
locaux, c'est-à-dire dans une fourchette située entre 2 et 3€.
Cette offensive des vins chiliens s’explique notamment par le
récent accord de libre échange signé avec les autorités chinoises
qui annulent les droits de douane fixés précédemment à 48%. Si
certains producteurs français ciblent la consommation de masse en
Chine, il devront proposer des tarifs permettant aux distributeurs de
vendre leurs produits à 2 ou 3.
Cette
éventualité est-elle envisageable ? Je ne le pense pas, d’autant
plus que les tarifs ont augmenté avec les primeurs précédents et
que certains autres pays du Nouveau Monde intègrent le marché
chinois avec des prix plus bas de 20 à 30% que ceux pratiqués par
les producteurs français.
Actuellement,
le vin français n’est accessible qu’à une certaine classe
sociale. Une bouteille de vin à 2 euros en France se vend
généralement entre ¥100 et ¥300 (entre 11€ et 35€) en Chine.
L’une des raisons est le taux des droits de douane qui s’élèvent
à 14% ... A moins de passer par Hong Kong…
Concernant
les Grands Crus, le "Liv-Ex Fine Wine 100" - index international
qui répertorie les prix des 100 vins les plus recherchés dans monde
- a constaté une baisse des prix de 18,2% depuis avril 2011 et 23%
sur le "Liv-Ex Fine Wine 50" - qui comprend 95% des Grands Crus
de Bordeaux. Aujourd’hui, avec une meilleure connaissance du
secteur, le consommateur ou l’investisseur chinois est en train de
diversifier ses achats et notamment en regardant du côté de la
Bourgogne, des Côtes du Rhône ou encore de l’Italie.
Le
bilan et les analyses qui ont suivi la semaine des primeurs, début
avril 2012, ont démontrés que les acheteurs chinois ont surtout
recherché les bonnes affaires en termes de prix et les seconds vins
produits par les Grands Crus Bordelais.
On
s’attend même à ce que l’Empire du Milieu «chine» des
millésimes plus anciens ... prêt à boire!
Une
nouvelle niche à explorer....
Hélène
Puteaux
Quelques mots sur l'auteur de l'article :
Diplômée de l'IPC Vins et Spiritueux à Bordeaux - promotion 2011, Hélène est actuellement responsable marketing, communication et sales chez Vins Sélection à Shanghaï.
"Depuis de nombreuses années je cultive ma passion pour le produit en multipliant les expériences vitivinicoles, comme guide au Château Lynch Bages dans le médoc, guide à Vinexpo Bordeaux, animatrice de soirées dégustation, vendangeuse à l'occasion pour le Domaine de Primat ou le Château La Croix de Gay. J'ai plaisir à voyager et découvrir toujours un peu plus ce monde fascinant qu'est celui du vin. Mon rêve ? Déguster un Château Cheval Blanc 1947..."