mardi 29 mai 2012

Chine - part 2 : qu'est-ce qui séduit le consommateur de vin chinois ? par Hélène Puteaux


Comment mieux séduire le consommateur chinois?

Des marques fortes et une communication régulière.
Les Chinois affectionnent les marques. Il est intéressant de vivre dans ce pays pour se rendre compte à quel point la publicité est présente. Elle est partout : écrans géants sur les buildings, panneaux immenses le long des routes et des autoroutes, téléviseurs dans les ascenseurs, dans les bus et dans les métros... L'attention portée à l'action publicitaire est très forte en Chine ; l'idée selon laquelle plus le nom et l'image sont associés et diffusés, plus il se vend est extrêmement présente. D'ailleurs, les entreprises l'ont bien compris, elles qui ont investi massivement les lieux et les espaces chinois. Les campagnes des grandes marques de de vins originaires d’Australie, des Etats-Unis ou du Chili se multiplient. Les négociants français, eux aussi, développent ce créneau en valorisant leur terroir et le savoir-vivre à la française.
Pourtant, les chinois peinent à se repérer dans la multitude d’appellations et de châteaux. Heureusement, ils sont aidés grâce à la présence d’associations, de comités et de groupements de producteurs qui organisent des dégustations pour valoriser les vins de toutes les régions françaises. Les invités sont les distributeurs engagés et les journalistes... Leur but est de rendre plus accessible la gastronomie et les marques emblématiques des vins de France.
C’est le cas de l’Union des Grands Crus, qui est présente chaque année sur le territoire asiatique. Un exemple ? Début 2012, France Agri Mer vient a démarré une nouvelle campagne promotionnelle « Vivez la France avec les vins de France !»
La population chinoise est curieuse et a soif d’apprendre ; elle est à la recherche d’informations et surtout, elle apprécie de pouvoir lire dans sa langue maternelle. C’est la raison pour laquelle afin de faciliter l’éducation des amateurs chinois, il est vivement conseillé aux acteurs du marché du vin d’ajouter les traductions en mandarin sur leurs sites internet. Continuer à communiquer et se démarquer avec des marques françaises fortes seront certainement des atouts incontournables pour rester leader sur le marché.
L’étiquette
Le packaging est un élément déterminant pour séduire le consommateur chinois. Une étiquette classique, traditionnelle reste très attractive. Je vais prendre en exemple un vin que j’aime particulièrement et surtout avec lequel, j’ai mené mes expériences auprès de nombreux distributeurs chinois : le Château Labesse. L’étiquette a été récemment relookée, ayant un aspect désormais plus moderne et moins chargé. Malgré ces modifications, les distributeurs chinois préfèrent l’ancienne étiquette et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, à leurs yeux, cette dernière avait une forme traditionnelle et son format était plus grand. D’autre part, le nom du domaine, l’appellation, le millésime et l’indication «Mise en Bouteille au Château» se révélaient être un élément très important pour les acheteurs. Enfin, la couleur rouge Bordeaux valorisait parfaitement le produit. En revanche, si la nouvelle étiquette est plus moderne et d’une dimension plus petite, elle a le désavantage de contenir beaucoup moins d’informations et l’écriture bleue a un aspect brillant. Je vous laisse y réfléchir !

Ancienne Etiquette

Nouvelle Etiquette

La couleur
D’après l’étude réalisée par Vinexpo, 91% des vins consommés en Chine sont des rouges et 99,5% des vins sont sans bulles. La communication met en avant les bienfaits du vin rouge en termes de santé. « Et le vin blanc ? » me direz-vous. Grâce à l’occidentalisation du quotidien des Chinois, la consommation des vins blancs progresse. Et c’est tout à fait logique car le goût de la gastronomie chinoise s’accorde parfaitement avec ce type de produit. Est-ce la connotation du deuil pour le blanc et l’image de la pornographie pour le jaune qui freinent leur implantation ? Ou bien est-ce plutôt à cause de l’inexistence d’articles concernant les atouts du vin blanc sur la santé que ce type de consommation est boudée par la population chinoise ?
On parle souvent du resvératrol pour le vin rouge... Et de l’hydroxytyrosol pour le vin blanc. Et en réalité, ce dernier est jugé comme étant une molécule tout aussi efficace pour améliorer la fonction cardiaque et prévenir l’obstruction des artères que le constituant du vin rouge. Alors la question que je me pose est la suivante : « Pourquoi personne ne parle des vertus bienfaisantes de la molécule contenue dans les vins blancs?

Le goût
La cuisine chinoise est très variée. Le goût du consommateur l’est donc aussi. Comme le consommateur est plutôt jeune, qu’il aime les sucreries, son palais est assez attiré par les notes fruitées. Les vins aux arômes puissants et épicé sont aussi très prisés (comme, par exemple, la Syrah, le Grenache, le Cabernet Sauvignon ou le Merlot). L’amateur chinois préfère en principe les tannins fondus à ceux qui sont plus marqués. Pour lui, l’acidité doit rester discrète. Il est donc logique que les millésimes antérieurs séduisent de plus en plus. A Hong Kong, lors des ventes aux enchères, on a constaté un changement de comportement depuis 2011 : les vins jeunes trouvent moins preneurs que les millésimes qui sont considérés comme « bons à boire ».
Désormais, le consommateur de l’empire du milieu se demande pourquoi acheter en primeur un vin qui ne peut être bu alors que les millésimes anciens - qui sont quasiment aux mêmes prix - sont prêts à boire ? Est-ce que dans un proche avenir, la tendance de consommation des vins va évoluer vers une plus grande patience ? Les amateurs chinois vont-ils nous réapprendre la sagesse d’ouvrir une bonne bouteille lorsqu’elle arrive à maturité ? Et le Château Latour n’a-t-il pas pris la bonne décision en ne mettant à la vente que ses millésimes prêts à boire sur le marché ? C’est une réflexion sur l’avenir qu’il est sans doute intéressant de mener.
Le prix
L’étude et la fixation du « juste prix » est un atout majeur en Chine. En effet, il est bon de rappeler que les vins locaux avec un prix très bas qui tourne autour de 2€ gardent le monopole. D’autant plus que dans leur communication les spécialistes marketing mettent en avant la qualité des terroirs et soulignent que leurs vins sont produits sous la responsabilité d’oenologues français ou bien d’oenologues chinois « ayant fait leurs études en France ».
Il est intéressant de signaler également que des produits concurrents, comme les vins chiliens défient actuellement toute concurrence en arrivant sur le marché chinois quasiment au même prix que les vins locaux, c'est-à-dire dans une fourchette située entre 2 et 3€. Cette offensive des vins chiliens s’explique notamment par le récent accord de libre échange signé avec les autorités chinoises qui annulent les droits de douane fixés précédemment à 48%. Si certains producteurs français ciblent la consommation de masse en Chine, il devront proposer des tarifs permettant aux distributeurs de vendre leurs produits à 2 ou 3.
Cette éventualité est-elle envisageable ? Je ne le pense pas, d’autant plus que les tarifs ont augmenté avec les primeurs précédents et que certains autres pays du Nouveau Monde intègrent le marché chinois avec des prix plus bas de 20 à 30% que ceux pratiqués par les producteurs français.
Actuellement, le vin français n’est accessible qu’à une certaine classe sociale. Une bouteille de vin à 2 euros en France se vend généralement entre ¥100 et ¥300 (entre 11€ et 35€) en Chine. L’une des raisons est le taux des droits de douane qui s’élèvent à 14% ... A moins de passer par Hong Kong…
Concernant les Grands Crus, le "Liv-Ex Fine Wine 100" - index international qui répertorie les prix des 100 vins les plus recherchés dans monde - a constaté une baisse des prix de 18,2% depuis avril 2011 et 23% sur le "Liv-Ex Fine Wine 50" - qui comprend 95% des Grands Crus de Bordeaux. Aujourd’hui, avec une meilleure connaissance du secteur, le consommateur ou l’investisseur chinois est en train de diversifier ses achats et notamment en regardant du côté de la Bourgogne, des Côtes du Rhône ou encore de l’Italie.
Le bilan et les analyses qui ont suivi la semaine des primeurs, début avril 2012, ont démontrés que les acheteurs chinois ont surtout recherché les bonnes affaires en termes de prix et les seconds vins produits par les Grands Crus Bordelais.
On s’attend même à ce que l’Empire du Milieu «chine» des millésimes plus anciens ... prêt à boire!
Une nouvelle niche à explorer....

Hélène Puteaux








Quelques mots sur l'auteur de l'article :
Diplômée de l'IPC Vins et Spiritueux à Bordeaux - promotion 2011, Hélène est actuellement responsable marketing, communication et sales chez Vins Sélection à Shanghaï. 
"Depuis de nombreuses années je cultive ma passion pour le produit en multipliant les expériences vitivinicoles, comme guide au Château Lynch Bages dans le médoc, guide à Vinexpo Bordeaux, animatrice de soirées dégustation, vendangeuse à l'occasion pour le Domaine de Primat ou le Château La Croix de Gay.  J'ai plaisir à voyager et découvrir toujours un peu plus ce monde fascinant qu'est celui du vin. Mon rêve ? Déguster un Château Cheval Blanc 1947..."